Édito du 31 octobre
Ce budget a-t-il encore un poids politique ? Alors que le gouvernement adopte une nouvelle méthode « dans le respect du travail parlementaire », l’inquiétude demeure : aura-t-on un budget réellement voté… et surtout réellement utile au pays ? Pendant que la vie politique s’enlise, la vague démographique, elle, ne négocie pas. Notre responsabilité est de rappeler, avec force, ce qui aide – et ce qui abîme.
PLF : un pas utile… et une faute lourde
Je veux d’abord saluer l’adoption de l’amendement transformant la réduction d’impôt pour frais d’accueil et d’hébergement en établissement spécialisé en crédit d’impôt. Un mécanisme universel, enfin, qui bénéficie à tous, y compris aux ménages non imposables. C’est juste et c’est concret.
Mais comment ne pas dire notre sidération devant la remise en cause du crédit d’impôt pour les services à la personne (CISAP) et l’amendement abaissant son plafond à 10 000 € ? C’est un non-sens social : on touche à l’un des rares leviers qui solvabilisent les personnes âgées et leurs familles, au moment même où les coûts (énergie, assurance, alimentation) pèsent plus lourd que jamais. Rappelons-le : le crédit d’impôt à 50 % pour les services à la personne est vital pour le domicile ; le fragiliser, c’est faire reculer le virage domiciliaire.
PLFSS : le réel contre l’affichage
Sur le PLFSS 2026, nos constats – et ceux du GR 31 à la CNSA – convergent : avis défavorable, mesures comptables à court terme, absence de programmation pluriannuelle pourtant promise par la loi « bien vieillir ». Et surtout, « année blanche » sur les prestations, décélération des dépenses autonomie malgré des besoins mécaniques à la hausse. C’est socialement dangereux. On fabrique du renoncement aux aides et aux soins.
À cela s’ajoute un artifice budgétaire que nous dénonçons depuis des années : la réserve prudentielle. En 2025, elle a été portée à 241 M€ côté médico-social, pour finir par couvrir d’autres dépassements (soins de ville) au lieu de revenir au secteur, au terrain, aux équipes et aux personnes accompagnées. On ne bâtit pas une politique du grand âge avec des crédits « non distribués ».
Ce sont les faits. Rien que les faits. L’ONDAM personnes âgées peut bien afficher une progression, mais la dotation soins ne suit pas au même rythme. Résultat : des recrutements freinés, des taux d’encadrement sous tension, des investissements à l’arrêt. Le budget ne vaut que par ce qui arrive réellement sur le terrain.
Notre ligne est claire et ferme
Au Synerpa, nous ne lâcherons rien. Notre cap tient en quelques exigences simples, immédiatement actionnables par les parlementaires :
- Sécuriser et lisser pluriannuellement la dotation soins, pour sortir de la navigation à vue et de la sous-indexation chronique.
- Supprimer la réserve prudentielle dans le médico-social : chaque euro voté doit être disponible pour les personnes âgées et les équipes.
- Revoir l’indexation du tarif hébergement sur les vraies charges (personnel, énergie, alimentaire) pour éviter l’effet ciseau.
- Protéger le CISAP et stabiliser le tarif plancher domicile, condition d’un virage domiciliaire crédible et d’un maillage pérenne des services.
- Arrêter d’opposer public, associatif et privé : la complémentarité est notre seule chance face au mur démographique.
Chers amis, la question du « poids politique » du budget ne se tranchera pas dans des éléments de langage, mais dans la vie quotidienne des personnes âgées et des professionnels. Nous tendons une main ferme et constructive : adoptons un budget qui finance vraiment l’autonomie, au-delà des affichages. Le Synerpa restera, dans le Parlement comme dans les ministères, la voix du terrain – celle qui transforme les promesses en moyens, et les moyens en soins et qualité d’accompagnement.
Jean-Christophe Amarantinis
Président du Synerpa