Dans une décision, rendue le 20 février dernier (CE, 5e et 6e chambres réunies, n° 493519), le Conseil d’État s’est prononcé sur le droit d’accès des ayants droit d’un patient décédé à une déclaration d’événement indésirable grave associé aux soins (EIGS). Il encadre cet accès afin de concilier transparence vis-à-vis des proches, respect du secret médical et protection des professionnels de santé.
Cette décision fait suite à une affaire concernant la demande d’une usagère adressée au CHU de Rennes, qui souhaitait obtenir la déclaration d’un EIGS en lien avec le décès de l’un de ses proches. L’établissement ayant opposé un refus, l’affaire a été portée devant le tribunal administratif qui, s’appuyant sur l’avis favorable de la Commission d’accès aux documents administratifs, a ordonné la communication du document, à condition qu’il soit anonymisé. Cette décision a ensuite été contestée par le CHU devant le Conseil d’État.
La position du Conseil d’État
- La haute juridiction rappelle que la déclaration d’un EIGS, en ce qu’elle contient des éléments liés à l’organisation des soins et à la gestion du risque, ne fait pas partie du dossier médical du patient. Elle échappe donc au régime spécifique de l’article L. 1111-7 du Code de la santé publique qui consacre le droit pour toute personne d’accéder à l’ensemble des informations médicales la concernant, détenues par des professionnels ou établissements de santé, dans des conditions précises de délai, de forme et sous certaines réserves liées à la protection de tiers ou à des situations spécifiques.
- Le régime applicable est celui prévu aux articles L. 300-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA). À ce titre, la communication peut être restreinte en cas d’atteinte au secret médical ou à la vie privée.
- En vertu de l’article R. 1413-68 du Code de la santé publique, les déclarations d’EIGS ne doivent pas comporter les nom, prénom, adresse ou date de naissance du patient ni l’identité des professionnels impliqués. La structure même de ces documents limite ainsi le risque de réidentification.
- Le Conseil d’État précise que la communication de la déclaration ne peut se faire qu’après occultation :
- de l’identité du déclarant,
- de l’adresse du lieu de survenue,
- et de toute information susceptible de porter atteinte à la vie privée ou au secret médical du patient, ou de nuire aux professionnels de santé par une appréciation subjective ou un jugement de valeur.
- Le Conseil rappelle que le patient, en tant que « personne intéressée » au sens de l’article L. 311-6 du Code des relations entre le public et de l’administration, ne peut se voir opposer le secret médical pour les données strictement médicales le concernant.
- En cas de décès, les ayants droit, le conjoint ou le partenaire pacsé peuvent bénéficier de ce droit de communication si les informations leur sont nécessaires.
Le Synerpa s’interroge désormais sur les conséquences que cet arrêt pourrait entraîner à l’avenir pour le secteur médico-social, et ne manquera pas de revenir vers vous pour en partager l’analyse et les suites possibles.